Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/214

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donner une juste idée de son état, il me suffira de dire que ce 29e bulletin, qui nous avait, à Varsovie, glacés d’épouvante, lui causa une joie qu’il ne put contenir ; il me sauta au cou, bien qu’il me vît pour la première fois ; il écrivit sur-le-champ au prince de Metternich, pour lui annoncer ma venue. Je m’habillai à la hâte, et nous partîmes ensemble pour la chancellerie d’État. C’était l’hôtel même où j’avais habité en 1809.

Chemin faisant, messager de malheur que j’étais, je me sentais partagé entre le désagrément de mon rôle et la curiosité de l’entrevue. J’avais un peu connu le prince de Metternich à Paris, connu autant que le permettait la différence, entre nous, d’âge et de position ; je l’avais souvent rencontré dans le monde officiel et dans le monde à la mode ; je l’avais même approché de plus près aux conférences d’Altenbourg. J’étais impatient de voir quel effet produirait sur lui notre triste communication, si la joie de nos désastres l’emporterait ou non sur le dépit d’apprendre que l’empereur y avait personnellement échappé.

Je lui dois cette justice qu’il ne sourcilla point ; jamais je ne vis pareille possession de soi-même. Il lut attentivement le bulletin ; il témoigna pour