Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/241

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et M. de Narbonne étant bientôt venu se réunir à nous, il lui raconta, ainsi qu’à moi, l’anecdote suivante.

« Je parcourais, nous dit-il, avec l’empereur, il y a peu de jours, la place même où nous sommes en ce moment ; je regardais avec lui les exercices, ou plutôt les ébauches d’exercices que nous regardons ; les jeunes soldats n’étaient pas plus habiles, et les instructeurs les rudoyaient à qui mieux mieux ; l’empereur mécontent se prit à rudoyer les instructeurs qui n’en pouvaient mais ; il arracha même le fusil à l’un d’eux et prit sa place sans plus de succès ; puis se tournant vers moi, et lisant sur mon visage les pensées qui me traversaient l’esprit, il me dit d’un ton moitié railleur moitié fâché :

» — Vous ne croyez pas aux miracles ?

» — Si fait, lui répondis-je, mais pourvu que j’aie le temps de faire le signe de la croix.

» Il rompit la conversation, parla d’autre chose et rentra. »

Nous passions gaiement nos soirées. L’empereur donnait des fêtes au roi de Saxe, à sa famille, à sa cour, rentrée sous l’aile du vainqueur après la victoire, et bien accueillie, moyennant amende