Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/254

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par patriotisme, bien ou malentendu, mais je suis également certain que l’empereur n’aurait proposé rien de pareil à M. de Narbonne, pas plus qu’il ne l’eût impliqué à son insu, dans l’arrestation du duc d’Enghien.

M. de Caulaincourt était un homme d’honneur, d’un esprit sain et droit, mais un peu court ; d’un caractère sincère et ferme, dans une certaine mesure, mais qui n’allait pas jusqu’aux derniers sacrifices.

Ce fut le malheur de sa vie et ce malheur pesa sur sa mémoire.

De retour à Dresde, je reçus, ainsi que tous mes collègues, l’ordre de rentrer immédiatement en France. Je quittai M. de Narbonne pour ne plus le revoir. Il n’en avait pas le pressentiment, je ne l’avais pas non plus. J’ignore si le commandement de Torgau qui lui fut donné fut pour lui faveur ou disgrâce. Il y succomba, sinon dans la force de l’âge, du moins dans la plénitude de ses facultés. Nul officier général, jeune ou vétéran, n’avait supporté la retraite de Moscou avec plus de courage et de gaieté que ce gentilhomme né et élevé à la cour de Louis XV. L’empereur avait en lui un conseiller plus habile et plus fidèle que M. de