Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/27

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structions, et sans doute par des motifs de sûreté, avait conduit sa famille en Angleterre, d’où elle ne tarda guère à la ramener, afin d’échapper aux lois que le nouveau gouvernement frappait, à coups redoublés, contre l’émigration. Je me souviens faiblement du peu de temps que nous passâmes dans le voisinage de Londres, avec madame de la Châtre, amie de ma mère, et son fils, jeune homme de grande espérance, qui depuis a péri glorieusement à l’attaque du Port-au-Prince ; mais je me rappelle très distinctement les précautions qu’il nous fallut prendre pour rentrer en France. Un paquebot anglais nous débarqua, de nuit et en grand mystère, sur la plage de Boulogne. Je me souviens aussi très distinctement de l’état d’effervescence où nous trouvâmes la population, et dont nos propres domestiques n’étaient point exempts. On me mena au théâtre à Boulogne, et j’y vis jouer la Mort de César.

Mes parents s’étaient réunis à Lamotte, maison de campagne près d’Arras, où nous ne séjournâmes que peu de mois, mon père y fut encore arrêté, puis mis en liberté presque aussitôt. J’ignore sous quel prétexte un mandat avait été décerné contre lui ; mais je dois dire que les exécuteurs de