Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/283

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langues modernes avec une facilité merveilleuse et l’accent le plus pur. Propre à tout, il avait traversé avec éclat les examens de l’École polytechnique, sans entrer définitivement dans l’école même. Éclairé, fier et généreux comme sa mère, il en subissait la disgrâce, et il en épousait les espérances avec joie et avec orgueil. Mais ce qui le distinguait au plus haut degré, ce qui faisait de lui un homme à part, c’était l’aptitude singulière à faire passer, dans l’exécution, dans la pratique, les idées spéculatives des rares esprits qui se pressaient autour de sa mère. Il était, il fut toute sa vie matter of fact man comme on dit en Angleterre. Si sa jeunesse, son origine étrangère, l’uniforme suédois qu’il portait encore, ne lui eussent pas interdit, en France, l’accès des fonctions publiques, si la mort ne l’eût pas enlevé trop tôt, je suis convaincu qu’il aurait figuré, au premier rang, parmi les hommes de notre temps.

Je ne dirai rien de sa sœur ; il m’en coûterait trop de recourir, pour exprimer ma pensée, à des termes qui paraîtraient exagérés, tout en restant bien au-dessous de la vérité. Ceux qui l’ont connue intimement me comprendront ; quoique je dise, les autres ne me comprendraient pas.