Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/296

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Ce n’était plus le tribun de 1800, ce chef d’une opposition naissante, tout aussitôt décapitée par le grand sabre du premier consul. C’était encore moins le jacobin apprenti du régime directorial, qui professait la nécessité de s’y rallier, préludait au 18 fructidor, et dénonçait en traits sanglants la restauration d’Angleterre.

Dix années d’exil volontaire en Allemagne et le spectacle des ravages exercés par l’empereur Napoléon sur ce malheureux pays en avaient fait un autre homme. Il célébrait la légitimité des princes et maudissait l’usurpation en termes qu’un habitué de Coblentz n’aurait pas désavoués ; il ne voyait de salut pour le peuple et d’espoir pour la liberté qu’à l’ombre des trônes antiques et des institutions traditionnelles ; tout roi de fraîche date était, pour lui, un usurpateur, et tout usurpateur un tyran.

Cet accès d’orthodoxie ultra-rhénane n’était pas trop bon teint, aussi ne lui dura-t-il guère ; mais il eut cet heureux effet de l’engager sincèrement dans les vues et les intérêts du gouvernement nouveau et d’employer, au service de la cause constitutionnelle, le trésor de sages réflexions et d’informations utiles qu’il avait en portefeuille ; il s’y consacra de