Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choc. On jurait haine au tyran, en s’arrangeant, sous main, pour en être bien reçu, le moment venu. Forbin traînait son grand sabre dans le salon de madame Récamier et Benjamin Constant y brandissait l’article qu’il avait, pour son malheur, fait insérer dans le Journal des Débats, plus préoccupés l’un et l’autre de l’effet qu’ils faisaient sur la maîtresse du logis que de toute autre chose au monde. Une foule hébétée se pressait aux Tuileries, criant : Vive le roi ! en attendant qu’elle criât dans le même lieu : Vive l’empereur ! Les deux Chambres se sentaient aussi détrônées que la royauté ; leurs comités secrets étaient percés à jour comme le cabinet des princes, et leurs salles étaient des cafés où l’on venait aux nouvelles.

La séance royale où Louis XVIII vint annoncer solennellement le dessein de mourir sur son trône en défendant son peuple fut, néanmoins, de bon effet. Elle inspira le genre et le degré d’émotion qu’inspire aux acteurs et aux spectateurs une scène bien jouée, émotion réelle plutôt que sincère, et qui ne tire pour personne à la moindre conséquence. Le rideau, tombé, le vieux roi roulé dans son fauteuil, il n’en était plus question. Les séances ordinaires attestaient le découragement