Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/32

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tissement d’enfant ; car il ne vint à personne l’idée de s’en étonner.

Je n’étais pas néanmoins plus ignorant qu’un enfant de mon âge ; j’avais été élevé avec mes sœurs plus âgées que moi. Je lisais, avec passion, le peu de livres qui se trouvaient sous ma main, en particulier le Voyage d’Anacharsis et les Mille et une Nuits, et je réalisais, en imagination, dans les jardins et le parc de Saint-Remy, les scènes qui me frappaient le plus dans ces deux ouvrages, si différents l’un de l’autre.

Je n’étais pas, non plus, entièrement dépourvu de réflexion. Je vois encore, d’ici, près de la salle de bains, la place où, frappé, je ne sais pourquoi, de cette idée que j’étais moi-même et que je ne pouvais être un autre que moi, les idées d’identité, de personnalité, de nécessité m’apparurent sous leurs formes rigoureusement métaphysiques. Je n’y ai jamais pensé depuis sans que ce premier éveil de la méditation ne me revînt en mémoire.

Durant le temps qui s’est écoulé entre l’évasion de ma mère et son retour, nous restâmes dans le château de Saint-Remy, grâce à la tolérance des autorités locales ; mais les domestiques auxquels nous étions confiés, n’ayant aucun moyen de nous faire