Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/326

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à tenir bon contre l’ascendant du despote victorieux ?

Supposez, d’ailleurs, qu’elle eût fait le contraire, supposez qu’elle se fût jetée dans les bras de l’empereur ou prosternée à ses pieds, cela l’eût-il rendu plus triomphant à Ligny et moins vaincu le lendemain ? Cela eût-il donné au maréchal Ney des yeux pour voir et des oreilles pour entendre au maréchal Grouchy ?

Et supposez qu’au retour précipité de l’empereur, la Chambre des représentants, au lieu de lui imposer l’abdication, l’eût remercié comme le sénat romain, après la déroute de Cannes, de n’avoir point désespéré de la patrie et lui eût voté d’enthousiasme la levée en masse de tous les Français, qu’en aurait-il fait ?

À cette nouvelle, ni Wellington ni Blücher n’auraient poussé leur pointe jusqu’à Paris ; ils auraient attendu trois ou quatre jours pour être rejoints par les 250 000 Russes et les 250 000 Autrichiens qui passaient le Rhin en ce moment même, et l’empereur se serait trouvé sous les murs de Paris avec les débris de Waterloo, en face de six ou sept cent mille étrangers victorieux. Aurait-il bravé l’assaut et mis le feu aux quatre coins de la capi-