Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/335

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quelque maison que le proscrit se fût présenté, il eût été le bienvenu.

L’évasion avait été conduite avec beaucoup de prudence et de résolution. L’un de ceux qui y joua le plus gros jeu m’était bien connu et n’a pas obtenu, en cela, la part de célébrité qu’il mérite. Ce fut un jeune homme, M. de Chassenon, qui recueillit M. de la Valette dans un cabriolet où il l’attendait à cinquante pas de la Conciergerie, tandis que mademoiselle de la Valette restait dans la chaise à porteurs. Ce fut lui qui, conduisant lui-même le cabriolet, déconcerta par mille détours la meute des poursuivants. Il disait à M. de la Valette :

J’ai ici quatre pistolets à deux coups, chargés chacun de deux balles. S’ils nous atteignent servez vous-en.

À Dieu ne plaise ! reprit celui-ci.

Vous seriez perdu comme moi ! Alors, ajouta Chassenon en fouettant son cheval, c’est moi qui vous donnerai l’exemple.

Et il l’aurait fait comme il le disait, car c’était un homme plein d’honneur et de courage, bien que sa tête fût mal réglée.

Esprit de Chassenon était fils d’un président au parlement de Bretagne, et frère de M. de Curzay,