Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/38

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dais dans cette société paisible et bourgeoise un tout autre langage que celui que j’entendais à la table de ma mère ; les événements du jour y étaient envisagés sous un point de vue très différent. Je n’y ai jamais entendu regretter l’ancien régime, ni même la monarchie ; on ne désirait qu’un peu de repos, on ne désespérait pas de l’obtenir du gouvernement directorial ; l’imprévoyance était égale à l’insouciance, même en présence de la conspiration de Babœuf ; les scandales du jour n’y faisaient pas grand effet ; la multiplicité et la facilité des divorces étaient le plus fréquent et presque l’unique sujet de plainte.

Après avoir passé dix-huit mois, tant à Paris qu’à Boulogne, ma mère s’établit aux Ormes. C’était alors un singulier château, construit par le père de M. d’Argenson, pendant son exil, et qui a été démoli aux trois quarts par M. d’Argenson lui-même dans la dernière année de sa vie. Beaucoup de voyageurs se souviennent encore sans doute, d’avoir vu, entre Tours et Poitiers, à cinq lieues de Châtellerault, ce château au milieu duquel était implantée une tour où l’on montait extérieurement par un escalier circulaire. Il n’avait point été achevé, mais la partie habitable était commode, et