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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/63

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après une longue émigration, mais conservant dans un âge avancé tout le feu de la jeunesse et toute la vivacité de ses premières opinions, aussi libérales en 1806 qu’elles étaient sages en 1789.

Rien de plus mélancolique que le spectacle de la Hollande à cette époque. Les ports étaient déserts ; on ne voyait plus à Amsterdam ni à Rotterdam que quelques carcasses de bâtiments désemparés. Les magasins étaient fermés, les boutiques vides ; l’herbe croissait dans les rues. La ville de La Haye offrait seule, en temps ordinaire, un aspect un peu plus animé : le roi Louis, sa cour, son gouvernement, un corps diplomatique tel quel y répandaient un peu de mouvement ; mais, à l’époque où j’y arrivai, le roi était absent, le corps diplomatique dispersé, le gouvernement en vacances ; nous n’y vîmes que quelques familles de négociants considérables, restés riches à petit bruit, malgré la ruine universelle, et conservant, sous main, avec l’Angleterre, des relations dont le gouvernement impérial seul pouvait leur faire un crime. J’étais étranger, novice, sans expérience ni la brièveté de notre séjour, ni les circonstances ne me permettaient, avec les bourgeois de haute volée, les relations intimes où l’homme tout entier se donne à juger. Je ne pou-