Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/64

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vais néanmoins me défendre d’être frappé de tout ce qu’il perçait de gravité et de solidité, de mesure et d’indomptable résolution, de patience et de prévoyance dans les entretiens auxquels j’assistais à la suite d’interminables dîners. Il me semblait voir se détacher de la toile et entendre parler ces admirables figures de bourgmestres dont Rembrandt et Van Dyck ont peuplé les salles de la maison pénitentiaire d’Amsterdam. Grande et singulière nation, si différente de la nation allemande dont elle n’est originairement qu’une simple fraction, comme son langage n’est qu’un dialecte germanique ; si différente de la nation anglaise, dont la rapprochent tant d’années d’alliance, tant d’habitudes commerciales, tant de rapports continuels ; si différente de la nation française, et même de la nation belge, sa compagne dans les plus cruels et les plus pénibles moments de son existence : nation sérieuse et sensée, économe et persévérante, qui a payé la liberté civile et religieuse de tout le prix que les hommes y peuvent mettre, de quatre-vingts ans de ruines, de combats, d’échafauds, de bûchers, et qui, sachant conserver les mœurs, les goûts simples, l’énergie tranquille et insurmontable, sous la domination française, sachant en faire