Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/71

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il s’arrêta, comme un simple voyageur, pour déjeuner à l’auberge des Ormes. Ce n’était déjà plus ce jeune premier consul que j’avais rencontré, pour la première fois, arpentant lestement les Tuileries, donnant son bras droit à Bourrienne, tenant sous le gauche un petit sabre turc, svelte, dégagé, le teint olivâtre et le regard fauve. Même à l’extérieur tout était changé ; le buste était court et épais, les petites jambes charnues ; le teint plombé, le front chauve, la figure affectant la médaille romaine. Je ne dirai point, comme la servante de notre auberge, que, dans tout ce qu’il fit, il avait la couronne sur la tête et le sceptre à la main. Je n’ai, quant à moi, rien vu de pareil ; mais, faisant nombre, comme un autre, parmi les badauds qui se pressaient à son entrée et à sa sortie, il me parut qu’en lui tout sentait l’empereur, et l’empereur des plus mauvais jours.

Quelques jours plus tard, je vis passer l’impératrice en grande pompe, mise à peindre, quant à toute la partie de sa personne qu’on ne voyait pas, et peinte, quant à toute celle qu’on voyait. La cohue splendide des dames d’honneur, d’atours et de palais marchait à sa suite et, à sa suite aussi, le cortège des lectrices qui formaient le harem de notre