Page:Broglie - Souvenirs, 1818-1827.djvu/126

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mère et Victor. Je ne puis dire quel degré d’irritation cet article m’a donné. J’ai écrit à M. Constant pour lui dire que c’était indigne à lui de l’avoir laissé imprimer. Il m’a répondu au bout de deux jours la lettre la plus plate et la plus insignifiante. Il me dit que tout le monde, dans ce moment-ci, craint pour sa tête. Tout le monde, au reste, a été indigné de cet article, depuis M. de la Fayette jusqu’à M. de Chateaubriand.

J’ai eu hier Talma à dîner.

C’est une chose curieuse de voir le travail poétique qui se fait dans sa tête, et qui s’exprime toujours par des paroles communes. Il fait néanmoins des raisonnements sur ses rôles, et ses raisonnements sont justes et spirituels. Il nous a dit sur son rôle de Joad « Savez-vous que c’est un grand coquin que ce Joad. Il s’est mis ensuite à nous parler de Bonaparte, de sa sœur, de toute sa cour.

— Croiriez-vous, nous disait-il, que j’étais entouré de rois, de princes qui me faisaient la cour, parce qu’ils me croyaient du crédit auprès de l’empereur, et des princesses, et des reines ! Je crois rêver quand je pense encore à tout cela.

— Vous trouvez tout ceci bien ennuyeux ? lui ai-je dit.