Page:Broglie - Souvenirs, 1818-1827.djvu/129

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Carnaval de Venise, qu’il recevait les premiers secours de l’art, et les derniers secours de la religion. C’était à deux pas de là, étendu sur le lit d’un serviteur à gages, sur le lit même, chose étrange, où il avait pris quelque repos, l’année d’auparavant, en débarquant à Boulogne, qu’il recommandait ses deux filles naturelles sa femme, dont la robe de dentelles était toute couverte de son sang, et demandait grâce pour son meurtrier ; c’était à genoux aux pieds de ce grabat, entouré de sa famille en larmes, que le vieux roi lui fermait les yeux, de sa main flétrie ; c’était dans la pièce à côté que M. Decazes, interrogeant le coupable, était interrompu par les explosions de la haine qui s’exhalait contre lui-même ; c’était, en même temps, de bal en bal et de mascarade en mascarade, que le flot des gens de cour, des royalistes et de leurs adversaires, se livraient aux divertissements du jour et de l’heure.

On eût dit une grande scène de Shakspeare, et, pour achever la similitude, cette scène sanglante, ce poignant mélange d’horreur et de ridicule, tranchait de haute lutte, une situation devenue intenable pour tout le monde, et qui ne semblait plus comporter pour personneun dénouement régulier.