Page:Broglie - Souvenirs, 1818-1827.djvu/128

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qui a perdu toutes ses émotions en perdant son idole. »

Ce fut au sein de ces perplexités, de ces alternatives, de ces préoccupations diverses qu’éclata, sur notre tête, le 13 février.

Je ne raconterai pas l’assassinat du duc de Berry. Ce jour, dimanche gras, je n’étais pas à l’Opéra où, d’ailleurs, je n’allais guère ; par grand hasard, aucun de nous n’assistait, soit au bal donné par le maréchal Suchet, soit au bal costumé de madame de la Briche. Le récit de cette fatale soirée se trouve partout, et partout conforme à la vérité ; M. de Vaulabelle ne diffère en rien de M. de Chateaubriand et le journal que j’ai sous les yeux ne contient rien qui ne soit dans l’un et dans l’autre.

Le coup avait été frappé à onze heures du soir ; nous n’en fûmes informés que le lendemain à huit heures du matin. Le prince venait d’expirer. Inépuisable sujet de réflexions sans nombre et d’émotions sans mesure ! C’était dans le petit salon qui précédait la loge royale qu’on l’avait transporté, tenant encore en main le poignard qu’il avait lui-même retiré de sa poitrine. C’était au bruit des folles contredanses qui terminent le