Page:Broglie - Souvenirs, 1830-1832.djvu/144

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sa fin prochaine ; nous causâmes de choses et d’autres comme autrefois, il ne me demanda point de revenir. Je pourrais dire comme M. de Chateaubriand l’a dit de Chénier : on ne m’a point raconté ses derniers moments, mais je ne le dirais qu’avec une arrière-pensée de profond regret, en me rappelant la nuit que nous avions passée ensemble auprès du corps inanimé de madame de Staël ; j’aurais bien désiré le quitter lui-même cette nuit-là.

Dès le lendemain, on vit commencer ou plutôt recommencer la lugubre et détestable farce des funérailles patriotiques, de ces appels adressés aux passions révolutionnaires ou pire encore, de ces tentatives de bouleversement social préparées sous un masque hypocrite de douleur publique. À peu de semaines des journées de Juillet, c’eût été merveille qu’on trouvât quelque difficulté à mettre en mouvement toute la jeunesse des écoles, en la conviant à porter en triomphe le cercueil d’un grand citoyen, et plus grande merveille encore que le cortège n’eût pas recruté sur sa route, de rue en rue, de café en café, d’estaminet en estaminet, toute une plèbe fraîche émoulue de sa récente vic-