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Page:Brontë - Jane Eyre, I.djvu/89

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— Mais où allez-vous, Hélène ? Pouvez-vous le voir ? le savez-vous ?

— J’ai la foi, et je crois que je vais vers Dieu.

— Où est Dieu ? Qu’est-ce que Dieu ?

— Mon créateur et le vôtre ; il ne détruira jamais son œuvre ; j’ai foi en son pouvoir et je me confie en sa bonté ; je compte les heures jusqu’au moment solennel qui me rendra à lui et qui le révélera à moi.

— Alors, Hélène, vous êtes sûre que le ciel existe réellement, et que nos âmes peuvent y arriver après la mort ?

— Oui, Jane, je suis sûre qu’il y a une vie à venir ; je crois que Dieu est bon et que je puis en toute confiance m’abandonner à lui pour ma part d’immortalité. Dieu est mon père, Dieu est mon ami ; je l’aime et je crois qu’il m’aime.

— Hélène, vous reverrai-je de nouveau après ma mort ?

— Oui, vous viendrez vers cette même région de bonheur ; vous serez reçue par cette même famille toute-puissante et universelle, n’en doutez pas, chère Jane ! »

Je me demandai quelle était cette région, si elle existait ; mais je ne fis pas part de mes doutes à Hélène. Je pressai mon bras plus fortement contre elle ; elle m’était plus chère que jamais ; il me semblait que je ne pouvais pas la laisser partir, et je cachai ma figure contre son cou. Alors elle me dit de l’accent le plus doux :

« Je me sens mieux ; mais ce dernier accès de toux m’a un peu fatiguée et j’ai besoin de dormir. Ne m’abandonnez pas, Jane, j’aime à vous sentir près de moi.

— Je resterai avec vous, chère Hélène, et personne ne pourra m’arracher d’ici.

— Avez-vous chaud, ma chère ?

— Oui.

— Bonsoir, Jane.

— Bonsoir, Hélène. »

Elle m’embrassa, je l’embrassai, et toutes deux nous nous endormîmes.

Quand je me réveillai, il faisait jour. Je fus tirée de mon sommeil par un mouvement inaccoutumé ; je regardai autour de moi, j’étais dans les bras de quelqu’un, la garde me portait ; elle traversa le passage pour me ramener au dortoir. Je ne fus pas réprimandée pour avoir quitté mon lit, on était occupé de bien autre chose ; on me refusa les détails que je demandais ; quelques jours après j’appris que Mlle Temple, en rentrant dans la chambre, m’avait trouvée couchée dans le petit lit, ma fi-