Page:Brontë - Jane Eyre, II.djvu/141

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jour où le chef de cette église militante, dont il est le plus humble membre, lui dira : « Debout, et suis-moi ! »

Saint-John avait dit ces mots comme il prononçait ses sermons, d’une voix calme et profonde. Sa joue ne s’était pas animée, mais dans son regard brillait une vive lumière. Il continua :

« Et étant moi-même pauvre et obscur, je ne puis vous procurer que le travail du pauvre et de l’obscur. Peut-être même le trouverez-vous dégradant : car, je le vois maintenant, vos habitudes ont été ce que le monde appelle raffinées ; vos goûts tendent à l’idéal, ou du moins vous avez toujours vécu parmi des gens bien élevés. Quant à moi, je considère qu’un travail n’est jamais dégradant lorsqu’il peut améliorer les hommes. Je crois que plus le sol où le chrétien doit labourer est aride, moins son travail lui rapporte de fruit, plus l’honneur est grand. Sa destinée est celle de pionnier, et les premiers pionniers de l’Évangile furent les apôtres, et leur chef, Jésus, le Sauveur lui-même.

— Eh bien ! dis-je en le voyant s’arrêter de nouveau, continuez. »

Il me regarda avant de continuer ; il semblait lire sur mon visage aussi facilement que si chacun de mes traits eût été l’un des mots d’une phrase. Je compris ce qu’il en avait conclu, d’après ce qui suit :

« Vous accepterez la place que je vais vous offrir, dit-il, je le crois ; vous y resterez quelque temps, mais pas toujours, de même que moi je ne pourrai pas toujours me contenter des devoirs étroits, obscurs et tranquilles, d’un ministre de campagne : car votre nature est aussi ennemie du repos que la mienne, mais nos activités ne sont pas du même genre.

— Expliquez-vous, demandai-je avec insistance, en le voyant s’arrêter de nouveau.

— Oui, vous allez voir combien l’offre est misérable, ordinaire et petite. Je ne resterai pas longtemps à Morton, maintenant que mon père est mort et que je suis maître de mes actions. Je quitterai ce lieu probablement dans le courant de l’année ; mais tant que j’y resterai, je ferai tous mes efforts pour l’améliorer. Quand je suis venu ici, il y a deux ans, Morton n’avait pas d’école ; les enfants des pauvres ne pouvaient avoir aucune espérance de progrès. J’en ai établi une pour les garçons ; je voudrais en ouvrir une seconde pour les filles. J’ai loué un bâtiment à cette intention, avec une petite ferme composée de deux chambres pour la maîtresse ; celle-ci sera payée trente livres sterling par an. La maison est déjà meublée simplement, mais