Page:Brontë - Le Professeur.djvu/15

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colère. Je détournai la tête et, regardant à l’aventure, j’aperçus deux tableaux encadrés dans la boiserie et placés de chaque côté de la cheminée ; c’était le portrait d’un homme et d’une femme habillés comme on l’était vingt ans auparavant : celui du gentleman se trouvait dans l’ombre, et je le voyais à peine ; celui de la dame recevait en plein la lumière de la lampe ; je l’avais vu souvent dans mon enfance et je le reconnus immédiatement : c’était le portrait de ma mère, qui, avec son pendant, formait le seul héritage qu’on eût sauvé pour nous de la fortune de mon père.

Je me rappelais qu’autrefois j’aimais à regarder cette figure, mais sans la comprendre, en enfant que j’étais alors ; aujourd’hui, je savais combien ce genre de visage est rare dans le monde, et j’appréciais vivement cette physionomie pensive et cependant pleine de douceur ; il y avait pour moi un charme profond dans ce regard sérieux, dans ces lignes qui exprimaient la tendresse et la sincérité ; je regrettais vivement que ce ne fût plus qu’un souvenir.

Quelques instants après, je sortis de la salle à manger, y laissant mon frère et ma belle-sœur ; un domestique me conduisit à ma chambre, dont je fermai la porte à tout le monde, à toi comme aux autres, cher camarade.

Adieu donc, adieu pour aujourd’hui.

William Crimsworth.


Cette lettre est demeurée sans réponse ; elle n’est pas même arrivée à son adresse : lorsque je la lui envoyai, Charles venait de partir pour les colonies, où l’appelaient de nouvelles fonctions administratives. J’ignore ce qu’il est devenu depuis cette époque, et je dédie au