Page:Brontë - Le Professeur.djvu/298

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part sans Yorke ; c’était la première chose qu’il cherchât en s’éveillant, et la dernière qu’il laissât en se couchant. Yorke était à ses pieds quand il prenait ses leçons, jouait avec lui dans le jardin, l’accompagnait dans le bois, restait à côté de sa chaise pendant les repas, et recevait sa nourriture de la main de son petit maître. Un jour Hunsden emmena Yorke à la ville ; la pauvre bête y rencontra un chien enragé qui le mordit ; aussitôt que Hunsden m’eut informé de la circonstance, j’allai dans la cour, et je déchargeai mon fusil sur le malheureux animal. Yorke resta froudroyé sur la place ; il ne m’avait même pas vu lever mon arme, car j’avais eu l’attention de me placer derrière lui. Il y avait à peine deux minutes que j’étais rentré, lorsque des cris de désespoir me rappelèrent dans la cour : c’était Victor, qui, agenouillé auprès de son chien bien-aimé, le serrait dans ses bras en sanglotant de toutes ses forces.

« Je ne vous le pardonnerai jamais, papa, s’écria-t-il dès qu’il m’eut aperçu, jamais, jamais ! C’est vous qui avez tué Yorke ; je vous ai bien vu par la fenêtre ; je ne vous croyais pas si méchant, et je ne vous aime plus du tout, du tout. »

Je fis tous mes efforts pour lui expliquer l’affreuse nécessité qui m’avait fait agir, et pour tâcher de le calmer ; il restait inconsolable, et répétait d’une voix dont je ne puis rendre l’amertume, et qui me déchirait le cœur »

« Vous auriez dû le guérir ; il fallait au moins essayer ; vous ne l’avez pas même pansé, et maintenant il est trop tard. »

Il embrassa de nouveau le cadavre de Yorke et ses larmes redoublèrent ; j’attendis patiemment que sa douleur se fût épuisée par l’excès même de sa violence, et je le portai à sa mère, bien certain qu’elle parviendrait à le consoler ; elle le prit sur ses genoux et le