Page:Brontë - Le Professeur.djvu/299

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serra contre son cœur ; elle le couvrit de ses baisers en le regardant avec tendresse ; puis, quand ses pleurs eurent cessé, elle lui dit que Yorke n’avait pas souffert et que, si on l’avait laissé mourir naturellement, il serait mort au milieu d’effroyables tortures ; elle lui répéta surtout que je n’étais pas cruel, car cette idée semblait causer une peine affreuse au pauvre enfant ; elle ajouta que c’était par amour pour Yorke et pour lui que j’avais agi ainsi, et que cela me brisait le cœur de lui voir tant de chagrin.

Victor n’aurait pas été le fils de son père, si de pareilles considérations, murmurées d’une voix si douce, entremêlées de caresses si tendres, n’avaient produit aucun effet sur lui. Il se calma peu à peu, appuya sa tête sur l’épaule de sa mère, et demeura immobile pendant quelques instants ; puis levant les yeux, il la pria de lui dire encore une fois que Yorke n’avait pas souffert en mourant et que je n’étais pas cruel. Les paroles bienfaisantes furent répétées avec la même tendresse ; l’enfant posa de nouveau sa joue sur la poitrine de sa mère, où il resta paisiblement.

Une heure après, il vint me trouver dans la bibliothèque, me demanda si je voulais lui pardonner, et me témoigna le désir de se réconcilier avec moi ; je l’attirai dans mes bras ; tout en causant ensemble, je vis poindre dans son âme des sentiments et des pensées que j’étais heureux de rencontrer chez mon fils. J’y pressentais, à vrai dire, les éléments de ce que notre ami appelait un brave garçon, et Frances un mauvais sujet, cette étincelle qui brille au-dessus d’une coupe de vin ou qui allume le feu des passions : mais je découvrais en même temps dans son cœur le germe de la pitié, de la sensibilité, de la loyauté, et dans son intelligence la promesse d’une énergie, d’une haute raison et d’une droiture qui me rendraient fier un jour. Je déposai sur