Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/131

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je ne pus me résoudre à aller plus loin. Enfin, je me décidai à prendre un prétexte en leur demandant s’ils ne voulaient pas que j’allumasse les bougies, et j’ouvris la porte.

Ils étaient assis près de la fenêtre dont les volets étaient rejetés contre le mur et par laquelle on apercevait, au delà des arbres du jardin et du parc sauvage et verdoyant, la vallée de Gimmerton avec une longue tramée de brouillard qui montait en tournoyant presque jusqu’à son sommet (car immédiatement après avoir passé la chapelle, comme vous avez pu le remarquer, le canal qui sert d’écoulement aux marais se réunit à un ruisseau qui suit la courbe du vallon). Les Hauts de Hurle-Vent s’élevaient au-dessus de cette vapeur argentée ; mais notre vieille maison était invisible : c’est au flanc de l’autre versant qu’elle s’accroche. La pièce et ses occupants, comme la scène qu’ils contemplaient, respiraient la paix la plus complète. J’éprouvais une vive répugnance à m’acquitter de ma mission et j’étais sur le point de sortir sans l’avoir remplie, après avoir fait ma question au sujet des bougies, quand le sentiment de ma folie me poussa à revenir sur mes pas et à murmurer :

— Quelqu’un de Gimmerton désire vous voir, madame.

— Que veut-il ? demanda Mrs Linton.

— Je ne l’ai pas questionné.

— Bien. Fermez les rideaux, Nelly, et apportez le thé. Je reviens dans un instant.

Elle quitta le salon. Mr Edgar demanda d’un ton insouciant qui c’était.

— Quelqu’un que madame n’attend pas, répondis-je. C’est cet Heathcliff… vous vous le rappelez, monsieur… qui habitait chez Mr Earnshaw.