Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/130

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peut-il être ? » pensai-je. « Mr Earnshaw ? Oh ! non, ce n’est pas du tout sa voix. »

— Il y a une heure que j’attends ici, reprit l’inconnu tandis que je continuais de le dévisager, et, pendant ce temps, tout autour de moi est resté calme comme la mort. Je n’ai pas osé entrer. Vous ne me reconnaissez pas ? Regardez-moi, je ne suis pas un étranger.

Un rayon de lune tomba sur son visage. Les joues étaient blêmes, à moitié cachées sous des moustaches noires, les sourcils tombant, les yeux profondément enfoncés et très caractéristiques. Je me rappelai ces yeux.

— Quoi ! m’écriai-je, me demandant si je devais le regarder comme un visiteur de ce monde ; et, stupéfaite, je levai les bras au ciel ? Quoi ! vous, revenu ? Est-ce vraiment vous ? Est-ce vous ?

— Oui, moi, Heathcliff, répondit-il en tournant le regard vers les fenêtres, qui reflétaient une vingtaine de lunes éclatantes, mais sans révéler aucune lumière à l’intérieur. Sont-ils à la maison ? Où est-elle ? Nelly, vous n’êtes pas contente ! Il n’y a pas de quoi être si troublée. Est-elle ici ? Parlez ! J’ai besoin de lui dire un mot, à elle… à votre maîtresse. Allez lui dire que quelqu’un de Gimmerton désire la voir.

— Comment va-t-elle prendre la chose ? Que va-t-elle faire ? La surprise, qui m’égare, va la rendre folle ! Ainsi, vous êtes bien Heathcliff ! Mais si changé ! Non, c’est à n’y rien comprendre. Avez-vous servi dans l’armée ?

— Allez faire ma commission, interrompit-il avec impatience. Je serai en enfer tant que vous ne l’aurez pas faite.

Il souleva le loquet et j’entrai. Mais, quand j’arrivai devant le petit salon où se tenaient Mr et Mrs Linton