Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

visiteur. Mrs Linton le regarda d’une drôle de manière… moitié fâchée, moitié riant de sa susceptibilité.

— Non, ajouta-t-elle, au bout d’un instant ; je ne peux pas le recevoir dans la cuisine. Mettez deux tables ici, Hélène : l’une pour votre maître et pour Miss Isabelle qui sont l’aristocratie, l’autre pour Heathcliff et pour moi, qui sommes les classes inférieures. Cela vous va-t-il ainsi, cher ? Ou faut-il que je fasse allumer du feu ailleurs ? Dans ce cas, donnez vos instructions. Je descends vite m’assurer de mon hôte : j’ai peur que ma joie soit trop grande pour être fondée sur quelque chose de réel.

Elle allait de nouveau se précipiter dehors, mais Edgar l’arrêta.

— Priez-le de monter, dit-il en s’adressant à moi. Et vous, Catherine, tâchez d’être contente sans être absurde. Il est inutile que toute la maison vous voie accueillir comme un frère un domestique qui s’est sauvé.

Je descendis et trouvai Heathcliff qui attendait sous le porche, comptant évidemment qu’il serait invité à entrer. Il me suivit sans paroles inutiles et je l’introduisis en présence de mon maître et de ma maîtresse, dont les joues enflammées révélaient qu’ils venaient d’avoir un entretien animé. Mais ce fut un autre sentiment qui brilla sur le visage de la jeune femme quand son ami apparut à la porte. Elle s’élança vers lui, le prit par les deux mains et le conduisit vers Linton ; puis elle saisit les mains de Linton et, malgré lui, le força de prendre celles de Heathcliff. À présent que le feu et les bougies éclairaient en plein celui-ci, j’étais encore plus stupéfaite de sa transformation que je ne l’avais été tout d’abord. C’était maintenant un homme de grande stature, bien bâti, taillé en athlète, auprès