Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/137

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si vous ne voulez pas faire naître entre eux une querelle ouverte.

— Mais n’est-ce pas faire preuve d’une grande faiblesse ? Je ne suis pas envieuse ; je ne me suis jamais sentie blessée par le lustre des cheveux blonds d’Isabelle, ni par la blancheur de sa peau, ni par son élégance recherchée, ni par la prédilection que tout le monde ici lui témoigne. Vous-même, Nelly, s’il y a parfois une dispute entre elle et moi, vous prenez aussitôt son parti ; et je cède comme une mère trop faible, je l’appelle ma chérie et la flatte pour lui rendre sa bonne humeur. Cela fait plaisir à son frère de nous voir en bons termes, et à moi aussi par conséquent. Mais ils se ressemblent beaucoup : ce sont des enfants gâtés qui se figurent que le monde a été fait pour eux. Quoique je sois indulgente à tous deux, je pense qu’un bon châtiment pourrait néanmoins leur faire du bien.

— Vous vous trompez, Mis Linton. Ce sont eux qui sont indulgents pour vous : je sais ce qui arriverait s’ils ne l’étaient pas. Vous pouvez bien leur passer leurs petits caprices, tant que leur préoccupation est de prévenir tous vos désirs. Mais il se peut qu’à la fin vous vous heurtiez à propos de quelque chose qui soit d’égale conséquence pour les deux partis, et alors ceux que vous appelez faibles seront très capables de se montrer aussi obstinés que vous.

— Et alors nous lutterons à mort, n’est-ce pas, Nelly ? répliqua-t-elle en riant. Non ! Je vous le dis, j’ai une telle foi dans l’amour de Linton que je crois que je pourrais essayer de le tuer sans qu’il eût le désir de se venger.

Je lui conseillai de ne l’estimer que davantage pour l’affection qu’il lui témoignait.

— C’est ce que je fais, répondit-elle. Mais ce n’est