Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montrer large pour obtenir l’autorisation de loger à Hurle-Vent ; et sans doute la cupidité de mon frère le déterminera à accepter ses conditions. Il a toujours été avide ; mais ce qu’il attrape d’une main, il le gaspille de l’autre.

— C’est un joli endroit, comme installation pour un jeune homme, remarquai-je. Ne craignez-vous pas les conséquences possibles, Mrs Linton ?

— Pas pour mon ami. Sa forte tête le préservera du danger. Pour Hindley, un peu ; mais, moralement, il ne peut tomber plus bas qu’il n’est, et je suis là pour le protéger du mal physique. L’événement de cette soirée m’a réconciliée avec Dieu et l’humanité ! J’en étais arrivée à la colère et à la rébellion contre la Providence. Oh ! j’ai enduré une souffrance très, très amère Nelly ! Si cet homme s’en doutait, il aurait honte de gâter par son irritation absurde le soulagement que j’éprouve. C’est par bonté pour lui que j’ai été amenée à supporter seule ma douleur ; si j’avais laissé paraître l’angoisse que je ressentais souvent, il aurait bien vite désiré aussi ardemment que moi de la voir allégée. Quoi qu’il en soit, c’est fini et je ne veux pas me venger de sa folie : désormais je puis braver toutes les épreuves ! Si l’être le plus vil me frappait sur une joue, non seulement je tendrais l’autre, mais je demanderais pardon de l’avoir provoqué. Et pour preuve, je vais faire tout de suite ma paix avec Edgar. Bonsoir ! je suis un ange !

C’est dans cette plaisante conviction qu’elle me quitta ; et le succès de la mise en pratique de sa résolution fut évident dès le lendemain. Non seulement Mr Linton avait renoncé à sa maussaderie (bien que son moral parût toujours subjugué par l’exubérante vivacité de Catherine), mais il ne hasarda même aucune