Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/154

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— Heathcliff.

Je lui demandai s’il aimait Mr Heathcliff.

— Oui, répondit-il.

Désirant de connaître les raisons qu’il avait de l’aimer, je ne pus tirer de lui que ces phrases :

— Je ne sais pas… il rend à papa ce que papa me donne… il injurie papa qui m’injurie… il dit qu’on doit me laisser faire ce que je veux.

— Et le pasteur ne t’apprend donc pas à lire et à écrire ?

— Non, on m’a dit que le pasteur aurait les dents renfoncées dans la gorge s’il franchissait jamais le seuil… Heathcliff l’a promis.

Je lui mis l’orange dans la main et lui dis de faire savoir à son père qu’une femme du nom de Nelly Dean attendait pour lui parler, près de la porte du jardin. Il remonta la chaussée et entra dans la maison. Mais, au lieu de Hindley, ce fut Heathcliff qui apparut sur le pas de la porte. Je fis aussitôt demi-tour et redescendis la route en courant de toutes mes forces sans m’arrêter, jusqu’à ce que j’eusse atteint la borne indicatrice, et aussi épouvantée que si j’eusse évoqué un démon. Tout cela n’a pas grand rapport avec l’histoire de Miss Isabelle, sinon que j’en fus incitée à la résolution de monter à l’avenir une garde vigilante et de faire tous mes efforts pour empêcher une si mauvaise influence de gagner la Grange, même si je devais soulever un orage domestique en contrariant le plaisir de Mrs Linton.

La première fois que Heathcliff revint, la jeune demoiselle se trouvait dans la cour, en train de donner à manger aux pigeons. Elle n’avait pas adressé la parole à sa belle-sœur depuis trois jours ; mais elle avait également cessé ses plaintes maussades, ce qui était