Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/169

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la comédie, peut-être. Ne pouvez-vous lui faire savoir que c’est terriblement sérieux ? Nelly, s’il n’est pas trop tard, dès que je saurai ce qu’il pense, je choisirai entre ces deux partis : ou bien me laisser mourir sur-le-champ — ce ne serait pour lui une punition que s’il avait un cœur — ou bien guérir et quitter le pays. Me dites-vous la vérité à son sujet ? Faites attention. Est-il exact que ma vie lui soit si complètement indifférente ?

— Vraiment, madame, répondis-je, mon maître n’a aucune idée de votre état mental ; et certainement il ne craint pas que vous vous laissiez mourir de faim.

— Vous ne croyez pas ? Ne pouvez-vous lui dire que je le ferai ? Persuadez-le ? Donnez-lui votre avis personnel : dites que vous êtes certaine que je le ferai.

— Non. Vous oubliez, Mrs Linton, que vous avez pris ce soir quelque nourriture avec goût, et vous en ressentirez demain les bons effets.

— Si seulement j’étais sûre que cela le tuerait, interrompit-elle, je me tuerais à l’instant ! Ces trois nuits affreuses… je n’ai pas fermé les paupières… et, oh ! j’ai été torturée ! j’ai été obsédée, Nelly ! Mais je commence à croire que vous ne m’aimez pas. Comme c’est étrange ! Bien que tous se détestent et se méprisent l’un l’autre, je pensais qu’ils ne pouvaient s’empêcher de m’aimer. Et en quelques heures tous sont devenus mes ennemis ; ils le sont devenus, j’en suis certaine, ces gens d’ici. Comme il est terrible d’affronter la mort, entourée de ces visages de glace ! Isabelle, pleine de terreur et de répulsion, effrayée d’entrer dans la chambre : ce serait si affreux de voir mourir Catherine ! Et Edgar, grave, debout à mon côté pour contempler ma fin, puis offrant à Dieu des actions de grâce pour la paix restaurée à son foyer, et retournant à