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endormi — il ne m’avait pas laissé partir avant — j’étais redescendue et je me trouvais dans le vestibule, près de la table, en train d’allumer une bougie pour Mr Edgar, quand une servante sortit de la cuisine et m’informa que Joseph, le domestique de Mr Heathcliff, était à la porte et désirait parler au maître.

— Il faut que je lui demande d’abord ce qu’il veut, dis-je, très agitée. C’est une heure bien peu convenable pour déranger les gens, et au moment qu’ils rentrent d’un long voyage. Je ne pense pas que le maître puisse le recevoir.

Comme je prononçais ces paroles, Joseph, ayant traversé la cuisine, se présentait dans le vestibule. Il avait revêtu ses habits du dimanche, sa figure la plus confite en dévotion et la plus revêche et, tenant d’une main son chapeau et de l’autre sa canne, il se mit en devoir d’essuyer ses pieds sur le paillasson.

— Bonsoir, Joseph, dis-je d’un ton glacial. Quelle affaire vous amène ce soir ?

— C’t à M’sieu Linton qu’j’ons à parler, répondit-il en m’écartant d’un geste dédaigneux.

— Mr Linton est en train de se coucher. À moins que vous n’ayez quelque chose de particulièrement important à lui communiquer, je suis sûre qu’il ne vous recevra pas maintenant. Vous feriez mieux de vous asseoir là et de me confier votre message.

— Où qu’est sa chambre ? poursuivit le drôle, examinant la rangée des portes fermées.

Je vis qu’il était décidé à refuser ma médiation. Je montai donc à contre-cœur dans la bibliothèque et annonçai le visiteur importun, en conseillant de l’ajourner au lendemain. Mr Linton n’eut pas le temps de m’y autoriser, car Joseph était monté sur mes talons et, faisant irruption dans la pièce, il se planta à l’extrémité