Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/298

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de tenir sa visite secrète. Où est le mal là-dedans ?

— Le mal est que je m’attirerai l’animosité de son père s’il découvre que je l’ai laissée entrer dans votre maison ; et je suis convaincue que vous avez de mauvais desseins en l’y poussant.

— Mon dessein est aussi honnête que possible. Je vais vous l’exposer en entier : c’est que les deux cousins puissent s’éprendre l’un de l’autre et s’épousent. J’agis généreusement envers votre maître : son rejeton n’a pas d’espérances et, si elle entre dans mes vues, elle en aura aussitôt, puisqu’elle partagera avec Linton les droits à ma succession.

— Si Linton mourait, et sa vie est bien incertaine, Catherine serait l’héritière.

— Non, elle ne le serait pas. Il n’y a dans le testament aucune clause qui l’établisse ; les biens de mon fils me reviendraient. Mais, pour prévenir les disputes, je désire leur union et suis résolu à la réaliser.

— Et moi, je suis résolue à ne plus jamais la laisser approcher de chez vous, répliquai-je comme nous atteignions la barrière, où Miss Cathy nous attendait.

Heathcliff me dit de me tenir tranquille et, nous précédant dans le chemin, se hâta d’ouvrir la porte. Ma jeune maîtresse lui lançait de fréquents regards, comme si elle ne savait trop que penser de lui ; mais il souriait quand il rencontrait ses yeux et adoucissait la voix en lui parlant. J’étais assez folle pour m’imaginer que la mémoire de sa mère pouvait l’empêcher de lui vouloir du mal. Linton était devant la cheminée. Il avait été se promener dans les champs, car il avait sa casquette sur la tête et il appelait Joseph pour se faire apporter des souliers secs. Il était devenu grand pour son âge : il s’en fallait de quelques mois qu’il eût seize ans. Ses traits