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six heures et demie, puis je rentrais au galop. Ce n’était pas pour m’amuser que j’allais là-bas : j’étais souvent bien malheureuse tout le temps. Quelquefois seulement j’étais heureuse : une fois par semaine, peut-être. Au début, je m’attendais à bien des difficultés pour vous persuader de me laisser tenir la parole que j’avais donnée à Linton ; car, au moment où nous l’avions quitté, je m’étais engagée à revenir le lendemain. Mais, comme ce jour-là vous êtes restée en haut, j’ai été tirée d’embarras. Dans l’après-midi, pendant que Michel était en train de replacer la serrure de la porte du parc, j’ai pris la clef et je lui ai dit que mon cousin désirait vivement avoir ma visite, parce qu’il était malade et qu’il ne pouvait venir à la Grange, mais que papa ferait des objections à cette visite ; puis j’ai négocié avec lui pour le poney. Il aime beaucoup à lire, et il a l’intention de partir bientôt pour se marier ; aussi m’a-t-il offert, si je voulais lui prêter des livres de la bibliothèque, de faire ce que je lui demandais. Mais j’ai préféré lui en donner des miens, et il a été plus content.

À ma seconde visite, Linton paraissait plus animé. Zillah (c’est leur femme de charge) nettoya la pièce, alluma un bon feu et nous dit que, comme Joseph était allé à une réunion pieuse et Hareton parti avec ses chiens — braconnant les faisans dans nos bois, comme je l’ai su plus tard — nous pourrions faire ce qu’il nous plairait. Elle m’apporta du vin chaud et du pain d’épices et se montra extrêmement prévenante. Linton s’assit dans le fauteuil et moi dans la petite chaise à bascule, devant le feu. Que nous rîmes et causâmes gaiement, et combien de choses nous trouvâmes à nous dire ! Nous combinions des promenades et formions des projets pour l’été. Je n’ai pas besoin de vous répéter tout cela, car vous trouveriez que c’est absurde.