Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/360

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prochaine, si vous pouvez, nous descendrons à cheval jusqu’au parc de la Grange et nous essayerons ma journée.

Linton ne paraissait pas se rappeler de quoi elle parlait, et il avait manifestement beaucoup de difficulté à soutenir une conversation quelconque. Son manque d’intérêt pour les sujets qu’elle abordait, comme son incapacité à contribuer à la distraire, étaient si évidents qu’elle ne put dissimuler son désappointement. Toute la personne et toutes les manières de son cousin avaient subi une transformation indéfinissable. La maussaderie que les caresses pouvaient changer en tendresse avait fait place à une apathie insouciante ; l’humeur contrariante de l’enfant qui s’irrite et se rend insupportable pour se faire câliner était devenue la morosité égoïste d’un invalide invétéré, repoussant les consolations et prêt à regarder comme une insulte la bonne humeur et la gaieté des autres. Catherine s’aperçut aussi bien que moi que notre société était pour lui plutôt une punition qu’une récompense ; et elle ne fit pas scrupule de proposer sur-le-champ de partir. Cette proposition eut l’effet inattendu de tirer Linton de sa léthargie et de le plonger dans un état d’excitation extraordinaire. Il jetait des coups d’œil craintifs du côté des Hauts, et il la pria de vouloir bien rester encore une demi-heure, au moins.

— Mais je pense, dit Cathy, que vous seriez mieux chez vous qu’ici. Je vois qu’aujourd’hui je ne peux vous amuser ni avec mes histoires, ni avec mes chansons, ni avec mon bavardage. Vous êtes devenu plus sérieux que moi, durant ces six mois ; vous avez peu de goûts pour mes divertissements, à présent. Sans cela, si je pouvais vous amuser, je resterais bien volontiers.