Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/386

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Vent ? continuai-je. Raisonnez vous-même ! Quant à votre argent, elle ne sait même pas si vous en aurez jamais. Vous dites qu’elle est malade ; pourtant vous la laissez seule, là-haut, dans une demeure étrangère, vous qui avez éprouvé ce que c’est que d’être négligé ! Pour vos souffrances propres, vous trouviez de la pitié ; et elle en avait aussi ; mais vous n’en avez pas pour les siennes ! Je verse des larmes, Master Heathcliff, vous voyez… moi, une femme d’âge, et une simple servante… et vous, après avoir joué l’affection, et quand vous devriez presque l’adorer, vous gardez toutes vos larmes pour vous-même et vous restez là, étendu, bien à l’aise ! Ah ! vous êtes un sans-cœur et un égoïste !

— Je ne peux pas rester avec elle, répondit-il d’un ton bourru. J’aime mieux rester seul. Elle pleure tant que ce n’est pas supportable. Et elle ne veut pas s’arrêter, même quand je lui dis que je vais appeler mon père. Je l’ai appelé une fois ; il l’a menacée de l’étrangler si elle ne se tenait pas tranquille. Mais elle a recommencé dès qu’il a eu quitté la chambre, et toute la nuit elle a gémi et s’est lamentée, malgré les cris que me faisait pousser la contrariété que j’éprouvais de ne pouvoir dormir.

— Mr Heathcliff est-il sorti ? demandai-je, voyant que cette misérable créature était incapable de sympathie pour les tortures morales de sa cousine.

— Il est dans la cour ; il parle au docteur Kenneth, qui dit que mon oncle est en train de mourir pour de bon, enfin. J’en suis heureux, parce qu’après lui c’est moi qui serai le maître de la Grange. Catherine en parle toujours comme de sa maison. Ce n’est pas à elle ; c’est à moi : papa dit que tout ce qu’elle a est à moi. Tous ses beaux livres sont à moi. Elle m’a offert de me les donner, ainsi que ses jolis oiseaux et son poney Minny, si je