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les collines, elle murmura dans un monologue :

— J’aimerais tant à descendre cette côte sur le dos de Minny ! J’aimerais tant à grimper par là ! Oh ! je suis lasse… je suis comme une bête qui ne sort pas de l’écurie, Hareton !

Elle renversa sa jolie tête contre l’appui de la fenêtre, moitié bâillant moitié soupirant, et tomba dans une sorte de mélancolie rêveuse, sans s’inquiéter de savoir si nous l’observions.

— Mrs Heathcliff, dis-je après être resté assis quelque temps en silence, vous ne savez pas que je vous connais ? et si intimement qu’il me semble étrange que vous ne veniez pas me parler. Ma femme de charge ne se lasse pas de m’entretenir de vous et de me faire votre éloge. Elle sera extrêmement désappointée si je reviens sans nouvelles de vous ou sans rien pour elle de votre part, sinon que vous avez reçu sa lettre et que vous n’avez rien dit.

Ce discours parut la surprendre. Elle demanda :

— Plaisez-vous à Hélène ?

— Oui… sans doute, répondis-je avec hésitation.

— Vous lui direz que je voudrais bien répondre à sa lettre, mais que je n’ai rien pour écrire : pas même un livre dont je puisse arracher un feuillet.

— Pas de livres ! Comment pouvez-vous vivre ici sans livres ? s’il n’y a pas d’indiscrétion à faire cette question. Bien que j’aie une vaste bibliothèque, je me sens souvent triste à la Grange ; enlevez-moi mes livres, je serais réduit au désespoir.

— Je lisais constamment, quand j’en avais. Mais Mr Heathcliff ne lit jamais ; aussi s’est-il mis en tête de détruire mes livres. Je n’en ai pas vu un depuis des semaines. Une fois seulement j’ai fouillé dans le fonds de théologie de Joseph, à sa grande irritation ; et une fois,