Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/422

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beaucoup de fatigue pour nos montures, nous arrivâmes à franchir la distance en trois heures.

Je laissai mon domestique dans le village et descendis seul la vallée. L’église grise paraissait plus grise et le cimetière solitaire plus solitaire. Je distinguai un troupeau de moutons de la lande qui broutait l’herbe courte sur les tombes. Le temps était doux, chaud… trop chaud pour le voyageur ; mais la chaleur ne m’empêcha pas de jouir du délicieux paysage qui s’étendait au-dessus et au-dessous de moi. Si nous eussions été plus près d’août, je suis sûr que j’aurais été tenté de passer un mois dans ces solitudes. En hiver, rien de plus lugubre, en été rien de plus divin que ces vallons resserrés entre les collines et que ces tertres aux escarpements hardis, couverts de bruyères.

J’atteignis la Grange avant le coucher du soleil. Je frappai, mais à en juger par une mince fumée bleue qui montait en spirales de la cheminée de la cuisine, les habitants s’étaient retirés dans les locaux situés derrière la maison, et ils ne m’entendirent pas. J’entrai dans la cour. Sous le porche, une petite fille de neuf ou dix ans était assise et tricotait ; une vieille femme, appuyée contre les marches cavalières, fumait sa pipe d’un air songeur.

— Mrs Dean est-elle là ? lui demandai-je.

— Mrs Dean ? Non. E’ n’habite point ici ; elle est là-haut, à Hurle-Vent.

— Est-ce donc vous qui gardez la maison ?

— Oui, j’gardions la maison.

— Eh bien ! je suis Mr Lockwood, le maître. Y a-t-il une chambre où je puisse loger ? Je voudrais passer la nuit.

— El’maître ! s’écria-t-elle tout étonnée. Eh ben ! qui c’est qui s’serait douté qu’vous alliez venir ? Vous auriez