Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/424

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fusse arrivé en vue des Hauts, il ne restait d’autre jour qu’une lueur ambrée diffuse à l’ouest ; mais je voyais chaque caillou du chemin et chaque brin d’herbe grâce à ce clair de lune splendide. Je n’eus ni à escalader la barrière, ni à frapper… elle céda sous ma main. Voilà un progrès, pensai-je. Et mes narines en perçurent un autre : un parfum de giroflées et de ravenelles se dégageait d’entre les rustiques arbres fruitiers.

Portes et fenêtres étaient ouvertes ; pourtant, comme c’est l’habitude dans les districts charbonniers, un beau feu rouge illuminait la cheminée. La jouissance que l’œil en éprouve rend supportable la chaleur superflue. La salle de Hurle-Vent est d’ailleurs si grande que ses occupants ont toujours largement la place de se mettre à l’abri de l’ardeur du foyer ; aussi ceux qui s’y trouvaient pour le moment s’étaient-ils établis non loin d’une des fenêtres. Je pus, avant d’entrer, les voir et les entendre parler et, en conséquence, je regardai et j’écoutai, mû par un sentiment de curiosité et d’envie mélangées, qui s’accrut à mesure que je m’attardais davantage.

Con-traire ! disait une voix douce comme une clochette d’argent. C’est la troisième fois que je vous le répète, âne que vous êtes ! Je ne vous le dirai plus. Tâchez de vous en souvenir, ou je vous tire les cheveux !

— Eh bien ! contraire, alors, répondit une autre voix au timbre grave mais un peu voilé. Et maintenant, embrassez-moi, pour m’être si bien souvenu.

— Non, relisez d’abord correctement, sans une seule faute.

L’interlocuteur masculin commença de lire. C’était un jeune homme convenablement habillé et assis à une