Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/450

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quelques pieds de primevères pour une bordure, revint les mains à moitié vides et nous annonça que Mr Heathcliff arrivait.

— Et il m’a parlé, ajouta-t-elle d’un air perplexe.

— Qu’a-t-il dit ? demanda Hareton.

— Il m’a dit de me sauver aussi vite que je pourrais. Mais il avait un air si différent de celui qu’il a d’ordinaire que je me suis arrêtée un instant pour le regarder.

— Quel air ? demanda Hareton.

— Eh bien ! presque gai, presque rayonnant. Non, presque rien du tout… très excité, étrange et heureux.

— C’est donc que les excursions nocturnes l’amusent, remarquai-je en affectant l’indifférence.

En réalité, j’étais aussi surprise qu’elle et désireuse de vérifier l’exactitude de ses dires ; car la vue du maître avec l’air heureux n’était pas un spectacle de tous les jours. Je pris un prétexte pour rentrer. Heathcliff se tenait sur le pas de la porte ouverte. Il était pâle et tremblait ; néanmoins, certainement ses yeux avaient un éclat singulier et joyeux, qui transformait toute sa physionomie.

— Voulez-vous déjeuner ? dis-je. Vous devez avoir faim après avoir couru toute la nuit !

J’aurais voulu découvrir où il avait été, mais je n’osais pas le lui demander directement.

— Non, je n’ai pas faim, répondit-il en détournant la tête et avec un certain dédain, comme s’il se fût douté que je cherchais à deviner le motif de sa bonne humeur.

J’étais embarrassée ; je me demandais si ce n’était pas l’occasion de lui faire un peu de morale.

— Je ne crois pas qu’il soit bon de se promener dehors, observai-je, au lieu d’être dans son lit ; ce n’