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que de se livrer à de vaines et dispendieuses démarches là-bas : car il était résolu de ne pas le laisser dans l’état où il l’avait trouvé. En fin de compte ma maîtresse se calma en maugréant, et Mr Earnshaw me dit de le laver, de lui donner des effets propres et de le faire dormir avec les autres enfants.

Hindley et Cathy se contentèrent de regarder et d’écouter jusqu’à ce que la paix fût rétablie ; alors tous deux se mirent à explorer les poches de leur père pour y trouver les cadeaux qu’il leur avait promis. Hindley était un garçon de quatorze ans ; mais en retirant ce qui avait été un violon, écrasé et réduit en miettes dans le manteau, il pleura à chaudes larmes. Quant à Cathy, lorsqu’elle apprit que le maître avait perdu sa cravache en s’occupant de l’intrus, elle témoigna son déplaisir en faisant des grimaces et en crachant dans la direction de la stupide petite créature, ce qui lui valut une bonne gifle de son père pour lui apprendre à avoir des manières plus convenables. L’un et l’autre refusèrent absolument de partager leur lit, et même leur chambre avec lui ; je ne fis pas preuve de plus de bon sens en le mettant sur le palier de l’escalier, avec l’espoir qu’il serait peut-être parti le matin. Soit par hasard, soit qu’il eût été attiré en entendant la voix de Mr Earnshaw, il se glissa à la porte de ce dernier, qui l’y trouva quand il sortit de sa chambre. Une enquête fut ouverte pour savoir comment il était arrivé là : je fus obligée de faire des aveux et, en récompense de ma poltronnerie et de mon inhumanité, je fus renvoyée de la maison.

Telle fut l’entrée de Heathcliff dans la famille. Quand je revins quelques jours après (car je ne considérais pas que mon bannissement dût être éternel), j’appris qu’on l’avait baptisé « Heathcliff » : c’était le nom d’un