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voulut qu’ils fussent remplacés par des travaux au dehors et exigea de lui le même labeur que d’un valet de ferme.

Heathcliff supporta son avilissement assez bien dans les premiers temps, parce que Cathy lui enseignait ce qu’elle apprenait, travaillait et jouait avec lui dans les champs. Tous deux promettaient vraiment de devenir aussi rudes que des sauvages ; le jeune maître ne s’occupait en rien de la manière dont ils se conduisaient, ni de ce qu’ils faisaient, pourvu qu’il ne les vît point. Il n’aurait même pas tenu la main à ce qu’ils allassent à l’église le dimanche si Joseph et le ministre ne lui eussent adressé des remontrances sur son indifférence à l’égard de leurs absences ; ce qui lui faisait souvenir d’ordonner le fouet pour Heathcliff et une privation de dîner ou de souper pour Catherine. Mais c’était un de leurs grands amusements que de se sauver dans la lande dès le matin et d’y rester toute la journée ; la punition subséquente n’était plus qu’un objet de moqueries. Le ministre pouvait donner autant de chapitres qu’il voulait à apprendre par cœur à Catherine, et Joseph pouvait fouetter Heathcliff jusqu’à en avoir le bras engourdi : ils oubliaient tout dès qu’ils étaient de nouveau réunis, ou du moins dès qu’ils avaient combiné quelque vilain plan de vengeance. Bien souvent je pleurais à part moi de les voir devenir chaque jour plus effrontés, et je n’osais pourtant prononcer une syllabe, par crainte de perdre le peu d’empire que j’avais encore sur ces deux êtres privés d’affection.

Un dimanche soir, il arriva qu’ils furent chassés de la salle pour avoir fait du bruit, ou pour quelque peccadille du même genre. Quand j’allai les appeler pour le souper, je ne pus les découvrir nulle part. Nous