Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/66

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fouillâmes la maison du haut en bas, la cour et les écuries : ils demeuraient invisibles. À la fin, Hindley, en furie, nous ordonna de verrouiller les portes et interdit à qui que ce fût de les laisser rentrer cette nuit-là. Tout le monde alla se mettre au lit. Pour moi, l’inquiétude m’empêchant de rester couchée, j’ouvris ma fenêtre et passai la tête au dehors pour écouter, bien qu’il plût : j’étais déterminée à leur ouvrir malgré la défense, s’ils revenaient. Au bout de quelque temps, j’entendis des pas sur la route et la lumière d’une lanterne brilla à travers la barrière. Je jetai un châle sur ma tête et courus pour les empêcher d’éveiller Mr Earnshaw en frappant. C’était Heathcliff seul, et je tressaillis en ne voyant que lui.

— Où est Miss Catherine ? lui criai-je vivement. Pas d’accident, j’espère ?

— À Thrushcross Grange, répondit-il, et j’y serais aussi, s’ils avaient eu la politesse de me demander de rester.

— Eh bien ! vous verrez ce que cela vous coûtera. Vous ne serez content que quand vous vous serez fait chasser. Que pouviez-vous bien faire à rôder du côté de Thrushcross Grange ?

— Laissez-moi enlever mes vêtements mouillés, et je vous raconterai tout, Nelly.

Je lui recommandai de prendre garde de réveiller le maître et, pendant qu’il se déshabillait et que j’attendais pour souffler la chandelle, il poursuivit :

— Cathy et moi nous étions échappés par la buanderie pour nous promener à notre fantaisie. Apercevant les lumières de la Grange, nous avons eu l’idée d’aller voir si les Linton passaient leurs soirées du dimanche à grelotter dans les coins pendant que leurs parents mangeaient, buvaient, chantaient, riaient et se brûlaient