Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les yeux devant le feu. Croyez-vous qu’il en soit ainsi ? Ou qu’ils lisent des sermons, qu’un vieux domestique les catéchise et qu’on leur donne à apprendre une colonne de noms de l’Écriture s’ils ne répondent pas convenablement ?

— Probablement pas. Ce sont des enfants sages, sans doute, et ils ne méritent pas le traitement qu’on vous inflige pour votre mauvaise conduite.

— Oh ! pas de prêche, Nelly ; sottises que tout cela ! Nous avons couru sans nous arrêter depuis le sommet des Hauts jusqu’au parc… Catherine complètement battue dans la course, car elle était nu-pieds. Vous pourrez chercher ses souliers dans les fondrières demain. Nous nous sommes glissés par un trou de haie, nous avons suivi à tâtons le sentier et nous nous sommes plantés sur une plate-bande de fleurs sous la fenêtre du salon. C’est de là que venait la lumière ; on n’avait pas fermé les volets et les rideaux n’étaient qu’à demi-tirés. Nous pouvions regarder à l’intérieur tous les deux en nous tenant debout sur le soubassement et en nous accrochant au rebord de la fenêtre, et nous avons vu… ah ! c’était magnifique… une splendide pièce avec un tapis rouge, des chaises et des tables couvertes en rouge, un plafond d’un blanc éclatant bordé d’or et, au milieu, une pluie de lames de verre suspendues par des chaînes d’argent et illuminées par la douce lueur de petites bougies. Le vieux Mr et la vieille Mrs Linton n’étaient pas là. Edgar et sa sœur étaient tout seuls. N’auraient-ils pas dû être heureux ? Nous nous serions crus au ciel, nous ! Eh bien ! savez-vous ce que faisaient vos enfants sages ? Isabelle — je crois qu’elle a onze ans, un an de moins que Cathy — était couchée sur le parquet à l’extrémité de la pièce, criant comme si des sorcières la lardaient avec des