Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/71

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ou quelque rebut de l’Amérique ou de l’Espagne. »

« Un méchant garçon, en tout cas », a observé la vieille dame, « et tout à fait déplacé dans une maison honnête. Avez-vous remarqué son langage, Linton ? Je suis scandalisée que mes enfants l’aient entendu. »

J’ai recommencé à jurer… ne vous fâchez pas, Nelly… et Robert a reçu l’ordre de me mettre dehors. J’ai refusé de m’en aller sans Cathy ; il m’a traîné dans le jardin, m’a forcé de prendre la lanterne, m’a assuré que Mr Earnshaw serait informé de ma conduite et, m’enjoignant de me mettre en route sur-le-champ, a refermé la porte. Les rideaux étaient encore relevés dans un coin et j’ai repris mon poste d’observation ; car, si Cathy avait désiré repartir, et qu’ils n’eussent pas voulu la laisser sortir, j’avais l’intention de briser leurs grandes vitres en un million de morceaux. Elle était tranquillement assise sur le sofa. Mrs Linton lui a enlevé le manteau gris de la laitière que nous avions emprunté pour notre excursion, en secouant la tête et en lui adressant des remontrances, je suppose : Cathy était une jeune fille de bonne naissance, et ils faisaient une distinction entre les manières de nous traiter, elle ou moi. Puis la femme de chambre a apporté une cuvette d’eau chaude et lui a lavé les pieds ; Mr Linton lui a préparé un grand verre de negus[1], Isabelle lui a vidé une assiette de gâteaux sur les genoux, pendant qu’Edgar, bouche bée, la regardait de loin. Ensuite, ils ont séché et peigné ses beaux cheveux, lui ont donné une paire d’énormes pantoufles et l’ont poussée près du feu. Je l’ai laissée, aussi gaie qu’elle pouvait l’être, en train de partager ses gâteaux au petit chien et à

  1. Boisson composée de vin, d’eau, de muscade et de jus de citron. (Note du traducteur.)