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amer à exciter l’aversion plutôt que l’estime des rares personnes qu’il connaissait.

Catherine et lui continuaient d’être toujours ensemble pendant les périodes où son travail lui laissait quelque répit. Mais il avait cessé de lui exprimer sa tendresse par des paroles et il repoussait avec une colère soupçonneuse ses caresses enfantines, comme s’il se fût rendu compte qu’elle ne pouvait éprouver que peu d’agrément à lui prodiguer de pareilles marques d’affection. Dans la circonstance dont je viens de parler, il entra dans la salle pour annoncer son intention de ne rien faire, tandis que j’aidais Miss Cathy à arranger sa toilette. Elle n’avait pas prévu qu’il lui prendrait fantaisie de rester oisif. Pensant qu’elle aurait la maison à elle seule, elle s’était arrangée pour avertir Mr Edgar de l’absence de son frère et se préparait en ce moment à le recevoir.

— Cathy, es-tu occupée cette après-midi ? demanda Heathcliff. Vas-tu quelque part ?

— Non, il pleut, répondit-elle.

— Alors pourquoi as-tu cette robe de soie ? Personne ne doit venir ici, j’espère ?

— Pas que je sache, balbutia Miss. Mais tu devrais être aux champs à cette heure-ci, Heathcliff. Il y a déjà une heure que nous avons fini de dîner ; je te croyais parti.

— Hindley ne nous débarrasse pas si souvent de sa maudite présence. Je ne travaillerai plus aujourd’hui : je vais rester avec toi.

— Oh ! mais Joseph le lui dira, insinua-t-elle. Tu ferais mieux de t’en aller.

— Joseph est en train de charger de la chaux de l’autre côté des rochers de Penistone ; cela lui prendra jusqu’à la nuit, et il n’en saura rien.