Page:Brontë - Un amant.djvu/172

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— L’armoire ? où est-elle, demandai-je ; vous parlez dans votre sommeil ?

— Elle est contre le mur, comme toujours. Elle a un air étrange : j’y vois une figure.

— Il n’y a pas d’armoire dans la chambre, et jamais il n’y en a eu, dis-je, me rasseyant : et je soulevai le rideau pour pouvoir l’observer.

— Ne voyez-vous pas cette figure ? demanda-t-elle, regardant fixement le miroir.

J’eus beau dire, je ne pus lui faire comprendre que c’était sa figure à elle. Je me levai et le couvris d’un châle.

— Elle est toujours derrière ! poursuivit-elle avec anxiété, et elle a bougé. Qui est-ce ? J’espère qu’elle ne va pas sortir quand vous serez partie. Oh Nelly, la chambre est hantée ! J’ai peur d'être seule.

Je pris sa main dans la mienne et lui ordonnai de se tranquilliser, car une série de tressaillements la convulsaient, et elle tenait à garder son regard fixé sur le miroir.

— Il n’y a personne ici, insistai-je, c’était vous même, Madame Linton : vous l’avez reconnu il y a un moment.

— Moi-même ! Et l’horloge sonne minuit ! C’est vrai alors, que c’est effrayant.

Ses doigts ramassèrent les draps et les amoncelèrent sur ses yeux. Je fis un effort pour aller vers la porte avec l’intention d’appeler son mari, mais je fus ramenée en arrière par un cri perçant : le châle était tombé du miroir.

— Eh quoi, qu’est-ce qu’il y a, criai-je ? Qu’est-ce qui la prend à présent ? Réveillez-vous. C’est la glace, le miroir, Mme Linton ; et c’est vous-même que vous y voyez, et me voilà moi aussi, à côté de vous.

Tremblante et égarée, elle me retenait fièvreusement,