Page:Brontë - Un amant.djvu/18

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filles. Peut être est-ce pour se distraire des soucis de ce voyage qu’il composa avec toute sorte de citations de saint Paul, une épître en vers d’un jeune clergyman nouvellement ordonné.

Il ramena les deux petites à Haworth, où ce furent alors pour Emily d’heureuses années, toutes employées aux travaux du ménage, aux leçons, aux promenades sur la bruyère en compagnie de Branwell, le frère chéri. Tous ceux qui avaient occasion de venir au presbytère, les servantes, les amies de Charlotte, les paysans de Haworth, tout le monde jugeait Emily supérieure en toute façon au reste de la famille, plus intelligente, meilleure, plus belle aussi, avec sa grande taille mince, ses épais cheveux noirs, ses yeux d’un vert sombre, son teint pâle, et cette large bouche aux lèvres rouges et saillantes qu’animait souvent un étrange sourire. C’était elle qui soignait les malades, elle qui portait les secours aux pauvres, elle qui prenait dans ses bras les enfants du village et qui habillait leurs poupées. Mais à mesure qu’elle avançait en âge, chacun était plus frappé de la voir toujours rester silencieuse, comme s’il lui eût été impossible d’exprimer en paroles la profonde gaieté juvénile qui se reflétait dans ses yeux. Elle se taisait, répondant à peine d’un signe de tête aux questions des siens ; s’enfuyant dès qu’un étranger approchait de la maison. Jamais elle ne prenait part, comme ses sœurs, aux leçons du dimanche, jamais elle ne parlait aux gens du pays.

Cette attitude finit par inquiéter la famille Brontë. On imagina, pour y remédier, d’envoyer de nouveau