Page:Brontë - Un amant.djvu/17

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terre, car on s’aperçoit alors que Dickens n’a rien exagéré, que la civilisation n’a rien changé, et qu’il reste encore de par le monde une foule de ces bagnes où l’on affame, torture et abrutit, sans aucun motif compréhensible, les petites filles et les petits garçons. L’école de Cowan-Bridge avait été fondée avec grand tapage dans le but d’instruire et de former aux belles manières les filles des clergymen de l’Église établie. Les petites Brontë ne cessèrent pas d’y souffrir de la faim, du froid, des courants d’air ; le personnel de la maison ne se relâcha d’oublier leur existence que pour les battre et les tourmenter. Elles ne se plaignaient pas, faute d’avoir à qui se plaindre ; mais les deux ainées, Marie et Élisabeth, furent prises coup sur coup d’une fièvre de consomption et moururent. Puis une épidémie de fièvre typhoïde se répandit dans la pension. Les élèves mouraient dans les dortoirs ou bien fuyaient l’école, emmenées en hâte par leurs parents. Seules, Charlotte et Emily Brontë restaient là, et si elles n’apprenaient pas grand chose de ce que doivent connaître les filles des clergymen de l’Église établie, elles apprenaient du moins à considérer la vie comme une façon de sombre pensionnat, où le seul devoir des élèves était de souffrir en silence, avec quelque chose qu’on appelait la mort pour seule récréation. Un jour vint enfin où la direction de Cowan-Bridge comprit elle-même la nécessité de congédier ces deux sœurs qui maigrissaient, dépérissaient et allaient mourir comme leurs aînées. M. Brontë, malgré tout l’ennui qu’il dut avoir de ce dérangement, se décida enfin à aller chercher ses