ans ; mais elle possédait un beau visage et un excellent caractère.
Le repas se termina enfin. Il l’eût été depuis longtemps, si M. Donne n’avait persisté à demeurer assis avec sa tasse à moitié remplie de thé froid devant lui, longtemps après que les autres eurent fini, longtemps même après que des signes d’impatience se furent manifestés : les chaises avaient été repoussées en arrière ; la conversation avait langui ; le silence s’était fait. Vainement Caroline lui avait demandé s’il désirait une autre tasse ; s’il voulait un peu de thé chaud, celui qu’il avait devant être froid : il ne voulait ni le boire ni le laisser. Il semblait croire que cette position isolée lui donnait une certaine importance ; qu’il était digne et noble de rester le dernier ; qu’il était grand de faire attendre les autres. À la fin, cependant, le vieux recteur lui-même, qui avait été trop agréablement occupé d’Hannah pour s’apercevoir du délai, devint impatient.
« Après qui attendez-vous ? demanda-t-il.
— Après moi, je crois, répondit Donne d’un ton de satisfaction intime.
— Fi donc ! » s’écria Helstone. Puis se levant : « Récitons les grâces, » dit-il ; ce qu’il fit immédiatement, et tous quittèrent la table.
Donne, nullement ébranlé, demeura dix minutes tout seul : ce que voyant, Helstone sonna pour faire enlever le service. Le vicaire se vit alors forcé de vider sa tasse et de quitter le rôle qui, dans sa pensée, avait appelé sur lui une si universelle et si flatteuse attention.
Ensuite, d’après le cours naturel des choses (Caroline avait ouvert le piano et tenu prêts les livres de musique), la musique fut demandée. C’était pour Sweeting une occasion de se montrer. Il était empressé de commencer. Il entreprit donc la tâche ardue d’obtenir que les jeunes ladies voulussent bien chanter un air, une chanson. Il s’en acquitta con amore, riant, suppliant, résistant aux excuses, écartant les difficultés, et finit par triompher auprès de miss Harriet, qui se laissa conduire à l’instrument. Il tira alors les pièces diverses de sa flûte (qui se trouvaient dans sa poche, aussi immanquablement que son mouchoir). Elles furent vissées et ajustées ; Malone et Donne, rapprochés l’un de l’autre, souriaient avec dédain, ce que vit le petit homme en regardant par-dessus son épaule, mais il n’y fit aucune attention. Il était persuadé que leurs sarcasmes venaient de