peur, dit Jessy en levant sur son grand amoureux des yeux qui exprimaient la plus entière confiance.
— Gentil ! s’écria M. Yorke ; mais c’est précisément pour cela qu’il doit être et qu’il est un mauvais sujet.
— Mais il a l’air trop triste pour être faux, dit une voix douce qui s’éleva de derrière la chaise du père. S’il riait toujours, je pourrais penser qu’il oublie vite ses promesses ; mais M. Moore ne rit jamais.
— Votre sentimental favori est le plus grand des fourbes, Rose, dit M. Yorke.
— Il n’est pas sentimental, » reprit Rose.
M. Moore se tourna vers elle avec une légère surprise et dit en souriant :
« Comment savez-vous que je ne suis pas sentimental, Rose ?
— Parce que je l’ai entendu dire à une dame.
— Voilà qui devient intéressant ! s’écria M. Yorke, glissant sa chaise plus près du feu. Une dame ! voilà qui est tout à fait romanesque ! Nous allons chercher à deviner qui elle est. Rosy, dites tout bas son nom à votre père : faites attention que M. Moore ne l’entende pas.
— Rose, ne vous avisez pas de parler, interrompit mistress Yorke avec son ton habituel, non plus que vous, Jessy ; il convient aux enfants, et spécialement aux jeunes filles, de se taire en présence de gens plus âgés.
— Alors, pourquoi avons-nous une langue ? demanda Jessy avec vivacité, tandis que Rose se contentait de regarder sa mère avec une expression qui semblait dire qu’elle n’oublierait pas la maxime et la méditerait à loisir. Après deux minutes de grave délibération, elle demanda :
— Et pourquoi spécialement les filles, mère ?
— Premièrement, parce que je l’ai dit ; secondement, parce que la discrétion et la réserve sont les plus précieuses qualités d’une fille.
— Ma chère dame, observa Moore, ce que vous dites est excellent, et me rappelle les observations de ma chère sœur ; mais ce n’est vraiment pas applicable à ces jeunes enfants. Laissez Rose et Jessy me parler librement, si vous ne voulez m’enlever le plus grand plaisir que j’éprouve en venant ici. J’aime leur babillage : il me fait du bien.
— Plus de bien que si ces grossiers garçons venaient autour